Extrait de De Vive(s) Voix du 26 novembre 2019

Abdullah Mar Mané : Je m’appelle Abdullah Mar Mané, je suis professeur de lettres modernes au lycée Ahoune Sané de Bignona. Bignona, c’est à 30 kilomètres de Ziguinchor, dans le sud du Sénégal.

Déborah Gros : Comment vous êtes devenu enseignant ?

Abdullah Mar Mané : Heu, il faut le dire : c’est peut-être pas au début par amour. C’était plus ou moins par nécessité. Tu termines tes diplômes. Tu as ta licence, tu as ta maîtrise. Tu te dis : « bah, quel horizon s’offre à moi ? ». Par la suite tu fais le concours et voilà, tu deviens enseignant.
Mais après l’appétit venant en mangeant, voilà, tu aimes le métier.

Déborah Gros :  Et qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?

Abdullah Mar Mané : C’est surtout de sentir qu’on vient de transmettre quelque chose aux élèves. Et de sentir que les élèves aiment peut-être ce que tu es en train de faire. Donc, moi j’enseigne au niveau de la région du sud où, véritablement, c’est une région qui était un peu minée par une crise, mais maintenant la paix est revenue.

C’est de sentir souvent les enfants mobilisés autour d’un projet. Par exemple, on a eu un projet de slam*. Donc en dehors des heures de classe, les élèves viennent, sont très déterminés. Et on se rend compte que les élèves qui n’avaient pas l’habitude de prendre la parole en classe, la prennent. Et parfois même sont parfois beaucoup plus performants que le professeur. Lorsqu’il s’agit par exemple d’écrire des textes de rap, de slam et tout cela.

L’avantage également au niveau pédagogique, c’est que l’élève avait le sentiment que sa copie ne concernait que le professeur et lui. Mais avec le slam ils se sont rendus compte qu’ils n’écrivent plus pour le professeur. Ils écrivent pour être lus par les autres. Donc là, les élèves viennent, pour demander des précisions sur l’accord du participe passé. Ce qu’ils ne feraient jamais si c’était une dissertation en littérature africaine ou française. Mais là ils se rendent compte que, écrire, ce n’est pas seulement pour soi, mais c’est écrire aussi pour l’autre. Voilà, tu veux faire passer des émotions, il faut que l’autre comprenne aussi. Donc là il faudrait travailler sur les compétences au niveau de l’écrit, au niveau de l’oral aussi.

* le slam est une poésie orale, urbaine, déclamée dans un lieu public, sur un rythme scandé. (définition larousse.fr)