Reportage France du 04/08/2015

[Jingle de la série Frissons d’assises]

Présentateur :
Frissons d’assises : l’affaire Maurice Papon.

Franck Alexandre :
C’est un vieil homme fatigué qui se présente devant la cour d’assises de Bordeaux le 7 octobre 1997. L’ancien secrétaire général de la préfecture de Gironde Maurice Papon, 87 ans, est poursuivi pour son rôle dans la déportation de 1 600 juifs.

En raison de son état de santé, ses avocats vont obtenir qu’il comparaisse libre.

Élisabeth Fleury, chroniqueur judiciaire.

Élisabeth Fleury :
Dès qu’il est libéré, immédiatement il va dans un Relais & Château boire un bon coup de bordeaux et dire « je vais mieux, merci ».

On a tout de suite senti que c’était un personnage qui allait être à la hauteur de ce qu’on en attendait, c’est-à-dire assez filou et assez arrogant.

Franck Alexandre :
Le procès va durer 6 mois et pour sa défense, l’ancien fonctionnaire du régime de Vichy fait feu de tout bois.

Élisabeth Fleury :
Il joue sur la corde du « on avait un fusil dans le dos et donc on ne pouvait pas faire autrement que d’obéir aux ordres ».

Il joue sur la corde du grand résistant, puisqu’il a bénéficié après la guerre d’une espèce d’expertise entre guillemets d’un certain nombre de grands résistants, qui ont délivré une sorte de certificat de résistance. Le problème c’est que, à l’audience, ça a volé en éclats, puisque le président de ce comité est venu dire que, en réalité, on lui avait accordé ce certificat sans absolument avoir la moindre certitude sur ses actions de résistant.

On s’est rendu compte qu’il avait fait du zèle. À la toute fin de l’occupation, il dresse des listes de manière très fébrile, il remplit les trains avec tout ce qu’il peut trouver dans les hôpitaux et le procès est accablant pour lui.

Franck Alexandre :
Le procureur requiert donc 20 ans de prison. Les jurés vont délibérer 19 heures durant.

Élisabeth Fleury :
Pendant toute la nuit, les portes de ce vieux palais de Bordeaux sont restées ouvertes. Il y avait des familles de parties civiles, il y avait l’avocat général qui avait tombé la robe et qui se promenait au milieu de tout ça. Vous aviez le vieil avocat Joë Nordmann qui dormait avec son épouse sur un banc. Et ça formait une espèce d’ambiance lunaire d’attente et on se disait : « mais quand est-ce que ça va tomber ce verdict »

Et finalement, quand c’est arrivé, il y a eu un silence absolument total.

Franck Alexandre :
Dix ans de réclusion et cela n’émeut pas Maurice Papon.

Élisabeth Fleury :
Dans l’indifférence absolue, il était déjà en train de rédiger son pourvoi en cassation quand le verdict était en train d’être prononcé.

À l’image de ce qu’il avait été pendant tout le procès, c’est-à-dire se maîtrisant parfaitement, il habitait son personnage quoi. Il n’avait pas l’impression d’être passé à côté de Maurice Papon.

Présentateur :
Frissons d’assises.

[Jingle de la série Frissons d’assises]