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Extrait de 7 milliards de voisins du 10/09/19
Emmanuelle Bastide :
Alors, à quoi ressemble la vie d’un « digital nomad » ? Écoutez le témoignage de Marianne Rigaud. Elle a 33 ans. Elle est journaliste indépendante ; elle est aussi responsable pédagogique dans un organisme de formation continue. À priori un job très classique et elle a travaillé pendant un mois parmi la communauté des digital nomads à Bali en Indonésie. Raphaëlle Constant l’a rencontrée à son retour à Paris dans la grisaille.Marianne Rigaux :
C’est un projet que j’ai développé en écoutant un podcast sur les travailleurs du numérique qui voyagent et travaillent en même temps.[Voix off : « Bienvenue sur le podcast Nomad Digital, le podcast qui… »]
J’ai donc proposé à mon chef de faire ça pendant un mois. Il a vite compris que j’avais besoin d’expérimenter ça, il a dit : « OK ». En fait le plus dur dans l’histoire, ça a été de trouver où je voulais partir : l’Afrique du Sud ? La Scandinavie ? Lisbonne ?... qui est une destination qui monte en Europe sur le numérique.
Raphaëlle Constant :
Ce qui exige donc quand même de trouver des villes assez connectées.Marianne Rigaux :
Voilà ! L’impératif, c’était d’avoir une bonne connexion Internet déjà. Et finalement, en cherchant des infos sur les destinations prisées chez les digital nomads, Bali revenait en tête de tous les classements. Il y a une très bonne connexion Internet, il y a des bons coworkings qui sont ouverts 24 heures sur 24.Raphaëlle Constant :
Des espaces de coworking, c’est des espaces où on peut venir travailler en payant une sorte d’abonnement à la journée ou à la semaine ou au mois.Marianne Rigaux :
Tout à fait. On s’installe devant son ordinateur avec d’autres personnes qui sont aussi en train de travailler. On peut aussi travailler dans un café wifi évidemment. Souvent, il y a même une piscine et ça c’est génial parce que, au lieu de faire une pause cigarette par exemple, on fait une pause plongeon dans la piscine. Peu importe la destination, moi le principe, c’était de pouvoir partir avec mon ordinateur, de faire mon travail comme d’habitude mais loin et en télétravail.Raphaëlle Constant :
Et justement, qu’est-ce qui est attirant dans le fait de travailler hors les murs tout en voyageant ?Marianne Rigaux :
D’être dépaysée. Être dans un autre hémisphère, être sur un autre fuseau horaire, être loin de Paris. Travailler de la même façon que d’habitude avec la même implication, avec la même intensité mais avec 30 degrés, la mer à côté, pieds nus. Ce qui m’intéresse moi, ce n’est pas tant me couper des autres… Je demande juste à pouvoir profiter de la souplesse qu’offre mon travail pour pouvoir m’affranchir des horaires, du bureau pendant un mois. De pouvoir se déconnecter de tout ce qui peut peser quand on est à Paris, quand on est dans son quotidien et c’est s’extraire de tout ça, prendre du temps pour soi, pour repenser son rapport au travail et finalement pouvoir sortir de sa zone de confort tout en faisant son travail comme d’habitude.Raphaëlle Constant :
Et comment vous vous êtes organisée ?Marianne Rigaux :
Dans l’entreprise où je travaille, on a déjà l’habitude de faire du télétravail donc les outils pour travailler à distance, ils sont déjà en place. Donc, au niveau de l’organisation, ça n’a pas changé grand chose. Parfois je fais déjà du télétravail de chez moi. Il y a un point sur lequel ça a changé quelque chose, ce sont les horaires puisqu’il y a 7 heures de décalage horaire entre Bali et la France. Au départ, j’ai travaillé de 15 heures à minuit dans les heures locales de Bali ce qui correspond en France à 8 heures/17 heures à peu près. Donc en fait, les clients avec qui on travaille ne voyaient pas la différence. Ils pouvaient me joindre par téléphone, par mail, par WhatsApp. Et le matin, et ben je profitais, j’allais à la plage, faire du yoga, faire du surf, me balader, lire, profiter de la guesthouse où je dormais.Raphaëlle Constant :
Est-ce qu’on ne se sent pas un peu seule quand on travaille loin du bureau ?Marianne Rigaux :
Il y a quelques moments où je me suis sentie seule notamment à cause du décalage horaire. C’est à dire que moi, je commençais ma journée un peu avant que l’équipe arrive au bureau. Parfois, j’avais envie de partager des soucis et si c’était un horaire auquel l’équipe n’était pas en ligne, ben là oui, j’étais un petit peu toute seule. Par contre, j’ai rencontré vraiment plein de personnes travaillant dans le digital, des personnes qui ont créé une start-up, une entreprise, des Français beaucoup, des Australiens, des Américains, des Russes. Même si on ne rentre pas en profondeur dans les dossiers qu’on traite, ça permet de se mettre tous sur la même table avec un ordinateur, un jus de fruits frais, de partager un temps de travail tous ensemble… et la concentration étant meilleure, on va plus vite sur les tâches, on va plus vite à l’essentiel, on devient très vite beaucoup plus productif.Raphaëlle Constant :
Quand vous avez parlé de votre projet à votre entourage, comment ça a été reçu ?Marianne Rigaux :
Tout mon entourage a été très content pour moi. Ils trouvaient ça très cohérent. J’ai toujours beaucoup voyagé à l’étranger, seule. J’ai eu quand même quelques petites remarques de jalousie : « Ah, t’en as de la chance ! ». Non ! Ce n’est pas de la chance, c’est un choix que je fais et qui est certes permis par mon métier mais c’est un choix que j’ai fait, de partir un mois dans un pays où je ne connaissais personne, où personne ne m’attendait. Donc, je suis arrivée toute seule et puis je me suis débrouillée pendant un mois pour me loger, me déplacer et travailler. Beaucoup de gens n’ont pas vraiment compris : est-ce que c’étaient des vacances déguisées ? Est-ce que j’allais réussir à travailler ? Ça, c’était une grande question. Oui, on peut travailler quand on est à Bali et au contraire, je trouve qu’on travaille même mieux. Les Anglais ont une formule « Work hard, play hard » donc « Travailler dur mais profiter grandement ». Bali incarne vraiment cette formule. C’est à dire que certes on travaille comme on le ferait à Paris sauf que le reste du temps, on peut profiter à la hauteur de ce qu’on a travaillé.