
- Transcription
Anne Soetemondt :
Vous nous parliez, juste avant d’être coupé, d’un malaise que vous avez fait.
En quoi il était lié aux réseaux sociaux, ou vous l’avez lié à votre suractivité sur les réseaux sociaux ?
Thierry Crouzet :
Il faut voir que, quand on veut être présent sur le net et quand on est présent, en fait, il n’y a pas de nuit, de jour sur le net. Tout le monde est réveillé en permanence sur le net. Donc on a la possibilité d’être vivants en permanence.
Et quand comme moi on écrit, on défend des idées, il y a toujours quelqu’un pour venir poster un commentaire, donc, en fait, le débat peut être permanent.
Et débattre en permanence, ça use le corps et ça fatigue. Donc moi, je pense que j’ai fait un burn-out. Mais je ne le savais pas du tout à ce moment-là. Quand je me suis retrouvé à l’hôpital, ce jour-là, qu’est-ce que j’ai fait, dès que je me suis retrouvé bien ? J’ai pris mon téléphone et je suis allé me balader sur les réseaux sociaux. Et là, je me suis dit, en fait, tu es comme le fumeur qui allume des clopes sans réfléchir s’il veut vraiment fumer. Et donc… J’ai pris conscience à ce moment-là que j’utilisais les réseaux sociaux par réflexe, c’est même plus quelque chose de décidé, de conscient, c’était devenu un automatisme. Et moi, je trouve que dans la vie, quand on commence à ne plus se contrôler, il y a quelque chose qui ne va pas, donc moi j’ai essayé de reprendre le contrôle sur ma vie. [...]
Anne Soetemondt :
Et d’ailleurs, vous racontez… Je voudrais revenir sur ce premier chapitre qui m’a marqué dans votre livre. Vous racontez que vous faisiez une balade en kayak le long d’un lac et que vous vous êtes rendu compte qu’en fait au lieu de vivre le moment, vous viviez le moment dans l’expectative de comment vous alliez le raconter. C’était ça être présent sur les réseaux sociaux ?
Thierry Crouzet :
Ben oui, en fait, on est présent en permanence ; dès qu’on fait quelque chose, on pense à le publier. Donc on est en permanence en train de vivre sa vie et de regarder sa vie. C'est-à-dire, qu’en fait on la vit pas vraiment, on la vit jamais à fond, on est toujours avec un esprit critique, avec un peu d’ironie, avec un décalage permanent. Bon, c’est amusant en même temps, moi, je trouve ça formidable.
Mais si on commence à faire toute sa vie comme ça, quand on est avec ses enfants, avec sa femme, avec ses copains, euh… Il y a quelque chose qui déraille il me semble.
- Lexique
un réseau social/ les réseaux sociaux, une suractivité, le net, poster un commentaire, faire un burn-out, prendre conscience, un automatisme, se contrôler, en permanence, publier, vivre à fond, dérailler.