
- Transcription
Extrait de Accents d’Europe du 21/02/18
Frédérique Lebel :
Mettre en lien les compétences des uns et les besoins des autres. En Allemagne, l’université de Potsdam donne aux réfugiés qui ont été enseignants dans leur pays d’origine, la possibilité de devenir assistants puis professeurs dans les écoles allemandes qui manquent d’enseignants. Ce projet pilote intitulé « Refugee Teachers Welcome » fonctionne déjà. Reportage à Potsdam de Deborah Berlioz.Déborah Berlioz :
Le soleil brille ce matin sur l’école primaire Goethe à Potsdam près de Berlin. Dans une classe de CE2, le cours de mathématiques est sur le point de commencer.[Voix d’enfants qui parlent en allemand]
Alesar : [avec traduction]
Je viens de Syrie. J’étais professeure de mathématiques dans mon pays. J’ai étudié les mathématiques et j’ai travaillé pendant 6 ans comme enseignante.Déborah Berlioz :
Mais celle qui dirige le cours n’a pas le profil type des enseignants allemands. Alesar vit en République fédérale depuis 2 ans seulement. Avant de rejoindre l’école Goethe, Alesar a suivi un programme à l’université de Potsdam destiné aux enseignants réfugiés. C’est Miriam Vock qui a eu l’idée de ce projet à l’été 2015 au plus fort de la crise des réfugiés. Cette professeure à la faculté se doutait bien que de nombreux enseignants se trouvaient parmi les nouveaux arrivants. Autant faire profiter l’Allemagne de leurs compétences a-t-elle pensé, surtout que la région manque cruellement d’enseignants. L’université de Potsdam a tout de suite soutenu son idée.Miriam Vock : [avec traduction]
Nous pensions commencer avec un groupe de dix personnes mais nous avons reçu presque 700 candidatures. Il y avait un besoin énorme pour cette formation et nous nous sommes dits qu’avec un peu d’aide, nous pourrions offrir plus de places. Heureusement, le Ministère de l’éducation du Brandenburg nous a rapidement donné les moyens et nous avons pu commencer avec trois groupes d’élèves.Déborah Berlioz :
Depuis 2016, 80 réfugiés ont pu intégrer la formation. Pendant trois semestres, ils suivent des cours intensifs d’allemand ainsi que des séminaires de pédagogie. Ils effectuent également un stage dans une école afin de se familiariser au maximum avec le système scolaire allemand. Au début, Alesar a eu quelques surprises. Les méthodes d’éducation ne sont pas tout à fait les mêmes en Syrie.Alesar : [avec traduction]
Il y a plus de liberté ici et je trouve cela très bien. Cela aide les enfants à construire leur personnalité. Chez nous, il n’y avait pas autant de liberté. Les élèves étaient plus disciplinés mais je pense que la liberté est plus importante.Déborah Berlioz :
Au terme de leur formation, les réfugiés obtiennent un contrat d’un an en tant que professeur assistant. Ils travaillent à temps plein et leur salaire est d’environ 1700 à 1900 euros nets. Treize élèves de la première promotion travaillent déjà dans des écoles de la région. Miriam Vock n’a eu aucun mal à trouver des débouchés pour ces enseignants.Miriam Vock : [avec traduction]
Les écoles étaient très intéressées par ces professeurs assistants. D’abord parce qu’elles pâtissent d’un manque de personnel. De plus, elles ont des élèves réfugiés. Elles doivent travailler avec leurs parents et cela leur pose beaucoup de difficultés. Donc les écoles sont contentes d’avoir quelqu’un qui puisse les aider.Déborah Berlioz :
Dans son école, Alesar apporte son soutien à trois enfants syriens. Pour ces élèves, la jeune femme est une interlocutrice idéale et pas seulement parce qu’ils parlent la même langue.Alesar : [avec traduction]
Nous avons fait les mêmes expériences. Nous avons vécu la guerre en Syrie, la fuite et nous avons rencontré les mêmes difficultés à notre arrivée en Allemagne. Donc, je les comprends bien.Déborah Berlioz :
Toutefois, Alesar travaille principalement avec des enfants allemands. Elle leur donne des cours de mathématiques et parfois elle leur parle de son histoire.Alesar : [avec traduction]
Ils ont toujours beaucoup de questions. Ils me demandent si j’ai déjà vu un char, si j’ai vu cela. Et maintenant, ils connaissent aussi leur nom en arabe et ils peuvent l’écrire.Déborah Herlioz :
Après son contrat d’un an, Alesar aimerait devenir enseignante à part entière mais ce n’est pas facile en Allemagne car il faut avoir étudié deux matières pour obtenir le diplôme d’Etat. Or Alesar n’a suivi qu’un cursus de mathématiques. Si elle fait ses preuves, elle peut cependant être embauchée comme enseignante non titulaire. Elle n’aura pas le statut de fonctionnaire et aura une paie inférieure à celle d’un titulaire mais elle pourra continuer de se former en vue de passer le diplôme d’état.Hassan, étudiant dans le programme, a une autre solution. Selon lui, les réfugiés devraient pouvoir donner des cours d’arabe en plus de leur matière principale mais à Berlin, cette langue n’est pas au programme.
Hassan : [avec traduction]
C’est un peu injuste. Je pense que les enfants réfugiés ont le droit de maîtriser, d’apprendre leur langue maternelle. Quand ils seront grands, si ils veulent retourner dans leur pays pour le soutenir et le reconstruire, ils s’y sentiront comme des étrangers.Déborah Berlioz :
Le projet de l’université de Postdam, un modèle souvent cité pour l’intégration des réfugiés, a déjà fait des émules. Un programme similaire a ouvert à la faculté de Bielefeld. Or l’Allemagne a besoin de ces nouveaux professeurs. À la rentrée 2017, plus de 3300 postes d’enseignants étaient vacants dans le pays.