
- Transcription
Extrait d’Accents d'Europe du 1er janvier 2019
Céline Béal : Au musée d’archéologie du Haut-Adige, les visiteurs en apprennent beaucoup sur la momie Ötzi et sa découverte par hasard dans un glacier, il y a 27 ans. C’était un événement : non seulement, le corps de cet homme de l’âge de cuivre était presque parfaitement conservé – y compris sa peau couverte de mystérieux tatouages – mais avec lui tout son équipement. Dans la glace, tout a bien résisté au passage de 5300 ans si bien que les visiteurs du musée peuvent observer aujourd’hui de près ses vêtements en cuir, son arc, son sac à dos, ses chaussures. Chaque élément frappe par sa ressemblance avec nos objets modernes. L’exposition présente également les recherches archéologiques et biologiques dont fait l’objet notre ancêtre. Enfin, la momie elle-même est visible à la fin de la visite pour ceux qui le souhaitent. Le corps nu est allongé dans une chambre froide. Les curieux le contemplent à travers une petite fenêtre. Deux visiteurs allemands, Kurt et Birgit Stanger, viennent de le faire.
Kurt Stanger : [avec traduction] J’éprouve un sentiment de recueillement. On est devant lui et on sait le temps qu‘a passé cette momie dans la glace pour être finalement retrouvée par hasard. Et là, on l’a pour de vrai devant soi. C’est un sentiment sublime.
Birgit Stanger : [avec traduction] C’est quand même un sentiment bizarre parce que c’est aussi un cadavre tout simplement, il ne faut pas l’oublier. Il est, certes, cryogénisé mais c’est un mort. Je ne sais pas, moi, si ça me plairait d’être allongée là et que tout le monde me regarde.
Céline Béal : L’ « Hibernatus » des Alpes est la momie la plus examinée du monde. Par les touristes mais surtout par toutes sortes de scientifiques. Radiographies, scanners, biopsies : ils analysent tout ce qu’ils peuvent. Il y a quelques années, une équipe internationale a même pu déchiffrer son ADN.
Andreas Putzer : [avec traduction] Voilà, pourquoi, nous en savons beaucoup sur cet homme.
Céline Béal : Andreas Putzer, archéologue.
Andreas Putzer : [avec traduction] Il avait dans les 45 ans au moment de sa mort. Nous savons comment il est décédé. Il a été assassiné par un tir de flèche. Ça s’est passé à l’endroit où il a été trouvé, dans la commune de Senales, à environ 3200 mètres d’altitude. Mais, ce que nous ne savons pas encore, c’est ce que cet homme venait faire là-haut.
Céline Béal : La découverte très médiatisée de la momie en 1991 a contribué à la vocation d’Andreas Putzer qui s’est spécialisé depuis dans l’archéologie de haute-montagne. Aujourd’hui, il la trouve toujours aussi fascinante mais cette fascination n’est pas réservée qu’aux spécialistes. Selon lui, c’est parce que ce corps a conservé une apparence humaine ; ce qui n’est pas le cas, par exemple, des ossements qui nous sont aussi parvenus du néolithique.
Andreas Putzer : [avec traduction] Et puis, les visiteurs du musée découvrent ses vêtements et ses maladies – des maladies assez banales comme l’arthrose ou les calculs biliaires. Il avait aussi une intolérance au lactose comme beaucoup de gens aujourd’hui encore. Ça le rend très humain et tangible.
Céline Béal : On en sait beaucoup sur Ötzi mais également très peu. Dans les allées du musée : Andréa Delprat. Il est guide depuis 6 ans et la question qu’on lui pose le plus souvent c’est « Qui était Ötzi ? ». Selon lui, c’est ce mystère qui passionne.
Andréa Delprat : On ne peut pas effectivement dire presque rien sur lui alors on peut rester avec notre idée qu’il était un peu comme moi. Il était un peu comme toi.
Céline Béal : Ötzi a été tué alors qu’il était seul dans la montagne. Pourquoi ? Et pourquoi son meurtrier a-t-il abandonné sur place la petite hache en cuivre de sa victime, un vrai trésor à l’époque ? Enfin, pourquoi Ötzi - un homme manifestement doué de talents médicinaux – a t-il dû quitter son village apparemment précipitamment ? Voilà ce qui interpelle dit Andréa Delprat.
Andréa Delprat : Qu’ici il y a une histoire d’injustice, qu’ici il y a un talent qui a dû fuir la société… Il y a beaucoup [d’]ingrédients de l’histoire [du] héros. D’un certain point de vue, c’est comme mythologique.
Céline Béal : Pour le guide, philosophe de formation, Ötzi nous fait réfléchir sur nous-mêmes, les humains.
Andréa Delprat : Nous avons reçu comme héritage [des] hommes du paléolithique, nous avons reçu de l’art – les peintures sur les rochers. Pour les hommes du néolithique, nous avons reçu Ötzi qui a été tué. Donc, un homme qui a été tué. Qu’est-ce qu’on va laisser, nous, comme héritage, hein ?... Que nous avons la bombe atomique ? Donc, est-ce que vous êtes sûrs que nous sommes en train d’évoluer. Si on regarde avec les yeux de l’archéologie, [ce n’est] pas sûr, ça.
Céline Béal : Et c’est en contemplant une dernière fois Ötzi que chacun peut tenter de se faire sa propre idée sur cette vaste question.