Extrait de Chronique agriculture et pêche du 20/07/2019

Sayouba Traoré : C'est à l'occasion des Rencontres internationales de l'agriculture du vivant que j'ai interrogé François Mulet, maraîcher dans l’Eure, fondateur de « Ver de terre production ». 

François Mulet : Alors l’agroécologie, c'est un concept peut être un petit peu plus large puisque là nous on se focalise, on est des techniciens et des praticiens, on se focalise avant tout sur la technique, ça fait partie de l'agroécologie. Après l’agroécologie, il y a aussi d'autres dimensions, par exemple préserver la valeur nutritive dans la chaîne de distribution.  Si vous faites la meilleure des carottes du monde et que vous la cuisez pendant 4 heures à la cocotte-minute, ça ne sert à rien, à la fin vous n’aurez plus quelque chose de nutritif bien évidemment. Donc l’agroécologie, ça va englober aussi d'autres concepts, d'autres questionnements, notamment des questionnements sociaux : est-ce qu'on peut faire une agriculture avec de moins en moins d'agriculteurs, par exemple ? 

Sayouba Traoré : Il s’agit de répondre à plusieurs exigences. Comment je produis ? Comment je transporte les produits de cette agriculture ? Comment je conserve ces produits ?

François Mulet : Ben, dans agroécologie, il y a écologie et il faut pas oublier que l'écologie c'est quoi ? C'est la science du vivant. Donc c'est la science des animaux, la science des plantes, la science des micro-organismes, et n'oublions pas que l'humain est un animal. Donc c'est une des grandes questions, c'est quelle est la place réelle de l'homme dans cet écosystème ?

Sayouba Traoré : Ce qui suppose de changer nos pratiques. Le plus difficile étant de changer la manière dont l'homme se voit comme un propriétaire de la nature.

François Mulet :  Et ben oui des fois, ou en tout cas je sais pas si on s'est pris pour Dieu, mais je crois qu'on a oublié notre vraie place. On a oublié qu'on était un consommateur mais on a oublié qu'on dépendait complètement des écosystèmes et principalement pour se nourrir. Et on voit qu'en plus, avoir une bonne agriculture ça peut résoudre beaucoup de problèmes parce que beaucoup de production de biomasse dans les champs, sur les sols très vivants, ça peut permettre de faire des biomatériaux, ça peut en fait permettre de changer le modèle de notre société selon un principe très simple qui est le principe du recyclage. Le principe du recyclage c'est produire, consommer et recycler. Dans les champs, il se passe ça en permanence et nous notre société elle a un problème, c'est qu’elle produit, elle consomme, mais elle produit des choses inrecyclables. Et en fait, c'est ce modèle qu'il faut qu'on arrive à transposer correctement dans notre société et je pense que ce que vont réussir à faire les agriculteurs dans les 20 ans qui viennent, ça sera une source d'inspiration vraiment très importante pour la société.

Sayouba Traoré : Principalement, il s'agit de permettre le recyclage de la biomasse et des nutriments, maintenir des conditions de sol favorables à la croissance végétale, optimiser l'utilisation des ressources, c'est-à-dire l'eau, le soleil, la lumière et les nutriments, et minimiser les pertes. Augmenter la diversité des espèces et des variétés cultivées, favoriser les interactions positives entre les différents organismes présents dans l'agroécosystème.