Extrait de l'émission À double titre du 08/08/2013

Catherine Fruchon-Toussaint :
Il faut quand même rappeler que d’une certaine façon, la poésie a supplanté le roman dans votre travail puisque vous avez publié 4 romans.

Michel Butor :
Oui.

Catherine Fruchon-Toussaint :
Entre 1954 et 1960 : Du Passage de Milan à La Modification, bien entendu, prix Renaudot, en passant par L’Emploi du temps et Degrés. Et puis stop, plus de fiction, place à une autre écriture. Et pour expliquer cette rupture, depuis bientôt 50 ans, vous dites deux choses passionnantes :

« Ce n’est pas moi qui ai quitté le roman, c’est le roman qui m’a quitté », premièrement. Et « le roman n’est plus une forme d’actualité au regard des nouveaux modes de communication. »

Pouvez-vous développer cela, s’il vous plaît Michel Butor ?

Michel Butor :
Ah évidemment, c’est très paradoxal puisqu’on écrit énormément de romans. On n’en a jamais autant publié, donc ce qui veut dire que les gens les lisent quand même. Il y a quand même beaucoup de gens qui lisent des romans et c’est un peu fort de dire et bien le roman, c’est une forme périmée.

Catherine Fruchon-Toussaint :
Vous voulez dire que ce n’est plus adapté à notre temps ?

Michel Butor :
Ce n’est plus suffisamment adapté.

On peut encore évidemment dire des tas de choses par l’intermédiaire du roman, on peut écrire des romans passionnants, remarquables. Mais j’ai le sentiment qu’il faut faire autre chose. Il faut donc, il faut faire des livres qui soient de plus en plus différents des livres habituels qui peuvent avoir des prix littéraires de fin d’année. Vous voyez ? Des Renaudot, Goncourt, etc. Et donc il faut trouver quelque chose d’autre.

Et nous avons des moyens de faire des choses tout à fait différentes maintenant. Nous avons des ordinateurs, bon, et dont nous commençons seulement à nous servir.

Les ordinateurs, on croit que c’est fait pour les banquiers. C’est d’ailleurs les banquiers qui essaient de nous faire croire ça. Mais les ordinateurs, c’est fait pour les savants et c’est fait pour les écrivains. Et les écrivains commencent seulement à se servir de ces instruments-là. Mais il faut qu’ils les transforment eux aussi.