
- Transcription
Rendez-vous Culture du 12 février 2021
Ernest Pignon-Ernest :
Banksy disait : « mais en France, Ernest Pignon a fait ça 30 ans avant moi. »José Marinho :
Inspirateur de Banksy ou de JR, Ernest Pignon-Ernest est leur père à tous. Même s’il ne travaille pas à la bombe aérosol, il a fait, lui aussi, de la rue son champ d’action. Ce fils d’une coiffeuse et d’un ouvrier, peintre à ses débuts, délaisse vite les toiles au profit du dessin.Ernest Pignon-Ernest :
On n’a jamais eu un livre à la maison. Par hasard, je trouve dans Paris Match, en août 1954, la série de Picasso sur Sylvette. Je suis devenu artiste à cause de Picasso et je ne fais pas de peinture parce que les thèmes que je voulais aborder, le matériau peinture ne correspondait pas.José Marinho :
Dès le départ, il embrasse plusieurs causes. En 1966, la force de frappe atomique française s’installe dans sa région du Vaucluse. Il déniche alors une photo choc de la catastrophe d’Hiroshima qu’il redécoupe au pochoir. Sans le savoir, il fonde le street-art.Ernest Pignon-Ernest :
Je découvre cette photo qui a été provoquée par l’éclair nucléaire. C’est la silhouette d’un homme qui a été désintégré. Je fais des pochoirs et je vais imprimer cette image d’homme comme une alerte sur les routes. C’est la première fois que je vais utiliser les lieux mêmes pour leur potentiel poétique, dramatique, symbolique.José Marinho :
Dans ses créations, souvent politiques, les hommes sont au centre de ses préoccupations comme ici dans « Le cortège des absents ». Avec cette œuvre engagée, il s’en est pris à sa ville de Nice qui, en 1974, s’était jumelée avec Le Cap, en Afrique du Sud, en plein apartheid.Ernest Pignon-Ernest :
Je dessine une famille de Noirs derrière des barbelés, j’en imprime plusieurs centaines et puis dans la nuit, on va coller cette image sur tout le parcours des représentants de l’apartheid qui vont passer devant.José Marinho :
Il en a vu des pays depuis qu’il colle en franc-tireur ses dessins en noir et blanc partout dans le monde. C’est sa période rebelle où la police l’arrête une cinquantaine de fois.Ernest Pignon-Ernest :
Une nuit, j’ai collé avec des échelles, très haut. Et les gens ont dû croire que c’était un voleur, ils ont appelé les flics de Naples et ils m’applaudissent. Le flic me dit : C’est une citation d’Artemisia que tu colles ! Classe ! ». Moi, j’offre à la rue des dessins originaux qui sont chargés de références à l’histoire de l’art, à Caravage.[NDLR: Artemisia Lomi Gentileschi (1593-1656) est une artiste peintre italienne de l'école Caravagesque. Le Caravage (1571-1610) est un artiste peintre italien qui révolutionne la peinture du 17e siècle par le naturalisme et le réalisme de son œuvre.]
José Marinho :
Passionné par les peintres, il rend un hommage appuyé aux écrivains, poètes qu’il admire, d’Arthur Rimbaud à Pier Paolo Pasolini portant son propre cadavre. L’exposition montre les portraits les plus connus au monde de ce pionnier de l’art urbain de 78 ans.Ernest Pignon-Ernest :
Je n’ai pas de saint pour incarner des valeurs. Les poètes inventent leur pays.José Marinho :
Érudit et avant-gardiste, Ernest Pignon-Ernest utilise l'espace public pour réveiller les consciences sur une histoire commune, celle de l’humanité. - Lexique
L’art : un inspirateur/une inspiratrice ; un/une peintre ; une toile ; un dessin ; un/une artiste ; la peinture ; une photo ; un pochoir ; poétique ; dramatique ; symbolique ; une création ; une œuvre ; dessiner ; une image ; l’histoire de l’art ; un poète/une poétesse ; une exposition ; un portrait ; un pionnier/une pionnière ; avant-gardiste.
L’engagement : embrasser une cause ; alerter ; une préoccupation ; engagé/engagée ; rebelle ; une valeur ; réveiller les consciences.