
- Transcripción
Extrait de La Puce à l'oreille du 25 mai 2020
Pascal Paradou : Bonjour Lucie Bouteloup !
Lucie Bouteloup : Bonjour Pascal !
[…]
Pascal Paradou : Donc, on va se faire une toile pendant quelques semaines.
Lucie Bouteloup : Oui, c’est ça ! Et pour cette première, eh bien, je me suis régalée à revoir un classique du cinéma français, une parfaite introduction aux différents parlers dans le cinéma, et aussi une invitation au voyage. Tendez l’oreille et dites-moi si ça vous dit quelque chose, Pascal.
[Extrait du film Marius, de Marcel Pagnol]
Panisse : Eh ben quoi ? C’est à toi !
Escartefigue : Mais je le sais bien, mais j’hésite… Je me demande toujours si Panisse coupe à cœur…
Panisse : Et je te répète que quand on joue, on ne doit pas parler.
César : Il a raison, t’as pas besoin de parler.
Panisse : Et lui, il continue à faire des grimaces. Tenez, tenez, Monsieur Brun, surveillez Escartefigue, moi, je surveille César.
César : Comment, tu me surveilles comme si j’étais un tricheur ? Tu me fends le cœur, hein !
Panisse : Oh ! Allons, César !
César : Pas de César, tu me fends le cœur ! Oh, et alors ! Et alors, ne jouons plus ! Oh, qu’est-ce qu’on fait ? A moi, il me fend le cœur ; à toi, il te fait rire ; à toi, il te fait rire, alors !
Escartefigue : Oh, très bien, tiens, cœur ! Ah, ah, ah !
Pascal Paradou : « Tu me fends le cœur ! », « Tu me fends le cœur ! ». Mais enfin, Lucie, bien sûr, c’est Pagnol !
Lucie Bouteloup : Oui, c’est Pagnol ! Une tirade qui est devenue culte, donc, extraite du film Marius. Alors, le film, il date de 1931 et il est tiré d’une pièce de théâtre écrite par Pagnol en 1927. Et c’est le premier volet de la trilogie marseillaise.
Ici, il est question des amours du jeune Marius, tiraillé entre la belle Fanny et de son envie irrépressible de prendre le large vers des pays lointains. Ça, c’était pour l’histoire, mais cette tirade qu’on vient d’entendre, eh bien, c’est pas Marius qui l’a dit, mais son père, César, interprété par le formidable Raimu. Il répond ici à Panisse qui l’accuse de tricher lors d’une partie de cartes.
Pascal Paradou : Donc, le premier film parlant en français date de 1929. Marius date de 1931. Ca veut dire que très, très tôt, on a entendu l’accent du sud sur les grands écrans.
Lucie Bouteloup : Eh oui, et en fait, dans le sud de la France, il y avait une longue tradition de théâtre régional et de music-hall, avec tout un tas d’acteurs méridionaux. C’est d’ailleurs de là que viennent les acteurs qui seront de véritables stars, comme Fernandel ou Raimu. Et puis, Pagnol, avant de faire du cinéma, eh bien, il écrivait des pièces de théâtre.
Au départ, ces histoires, elles se passaient plutôt dans le nord de la France. Mais trop amoureux de son pays natal, il a eu l’idée de parler de ce qu’il connaissait le mieux, les jeunes du sud. Et c’est donc tout naturellement qu’il a fait un cinéma avec des personnages qui parlent avec cet accent reconnaissable entre mille. Et, à l’époque, ça n’a choqué personne. La preuve, c’est qu’à sa sortie, le film a fait un véritable tabac.
Pascal Paradou : Alors, le soleil, le farniente, le pastis, les cigales, la pétanque, on est absolument dans le cliché, dans le folklore, quand même.
Lucie Bouteloup : Oui, c’est vrai, et puis, il faut bien l’admettre, on se régale avec des expressions typiques comme « peuchère », « fada » ou « bonne mère ». Et c’est vrai qu’on entend cet accent du sud roulé dans la bouche de Pagnol et que ça leur donne tout de suite un côté sympathique et authentique, très loin du Parisien snob et de son accent pointu.
- Léxico
Le cinéma : « se faire une toile » (aller au cinéma) ; un classique ; une tirade ; (un film ou une tirade) culte ; interprété/interprétée ; un acteur/une actrice ; un/une star ; faire du cinéma ; un personnage ; « faire un tabac » (avoir du succès).
La langue : un parler ; un accent ; une expression ; un accent roulé ; un accent pointu.
Les expressions du sud : « peuchère ! » ; « fada » ; « bonne mère ! »