Danièle Lochak :
L’article 30 précise qu’un individu ou un État ne peut pas revendiquer les droits énumérés par la Déclaration pour aboutir à la destruction de ces droits et libertés. Au fond, c’est l’expression que l’on connait bien et qui a été très contestée d’ailleurs, « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ».  Cette phrase, elle est très importante et elle montre bien la contradiction dans laquelle se trouvent les démocraties. On a beaucoup dit que la République de Weimar*, c’est-à-dire la démocratie en Allemagne, avait été vaincue parce qu’elle avait été trop faible, vis-à-vis de ses détracteurs qui étaient le parti communiste, d’un côté et bien entendu et surtout le parti nazi de l’autre et que finalement la République de Weimar aurait peut-être dû mieux savoir se battre contre ses ennemis. Donc on voit bien quel est le dilemme pour une démocratie. Ou bien elle maintient entièrement ses principes libéraux, y compris pour les ennemis de la démocratie : la liberté, c’est pour tout le monde ; mais c’est vrai qu’il y a un moment ou la démocratie, elle-même est en danger et il faut qu’elle se défende et pour se défendre, et bien elle est obligée d’adopter des mesures qui ne sont plus conformes à ce que suppose une démocratie.

* La République de Weimar est le nom donné au régime politique en Allemagne entre 1918 et 1933. Il s’agissait d’une démocratie.