
- Transcript
Extrait de Danse des mots du 13 septembre 2016
Patrick Paroux :
Quand on joue cette pièce, moi, ce qui m’étonne et ce que je ressens, c’est l’écoute du public. Il y a vraiment une écoute très très attentive et quand on est en scène, on la perçoit, on la perçoit. Alors, il y a aussi tout le suspense que Molière entretient par sa dramaturgie mais cette écoute-là, elle est très imposante.Yvan Amar :
Oui. Alors, on va écouter l’extrait d’une autre scène qui est aussi particulièrement cruciale et qui sert bien justement ce problème de rapport des hommes et des femmes et ce problème du mariage.[Extrait de l'acte III, scène 2]
Arnolphe :
(...)
Le mariage, Agnès, n'est pas un badinage :
À d'austères devoirs le rang de femme engage,
Et vous n'y montez pas, à ce que je prétends,
Pour être libertine et prendre du bon temps.
Votre sexe n'est là que pour la dépendance :
Du côté de la barbe est la toute-puissance.
Bien qu'on soit deux moitiés de la société,
Ces deux moitiés pourtant n'ont point d'égalité :
L'une est moitié suprême et l'autre subalterne ;
L'une en tout est soumise à l'autre qui gouverne ;
Et ce que le soldat, dans son devoir instruit,
Montre d'obéissance au chef qui le conduit,
Le valet à son maître, un enfant à son père,
À son supérieur le moindre petit frère[1],
N'approche point encor de la docilité,
Et de l'obéissance, et de l'humilité,
Et du profond respect où la femme doit être
Pour son mari, son chef, son seigneur et son maître.Yvan Amar :
Bon alors, il y a bien sûr là une outrance qui peut faire rire mais, quand même, on rit jaune devant cette façon, parfois un peu comique, de dire il y a deux moitiés mais l’une moitié est suprême, l’autre moitié est subalterne. Heureusement qu’on peut rire un petit peu mais sans ça, on est quand même dans le drame. Qu’est-ce que vous en pensez, Valentine Galey ?Valentine Galey :
Ah ben oui, c'est terrible. Et là, je vis un drame d'ailleurs et c'est comme ça que Philippe a voulu me le faire travailler. Il m'a demandé de travailler sur une sorte d'angoisse, une crise d'angoisse qui montait pendant la scène où donc il m'annonce que c'est avec lui que je vais me marier et la scène qui suit où je lis des maximes du mariage avec des règles de choses à faire et à ne pas faire, en tant que femme mariée. Et c'est très très dur, c'est terrible, surtout que je pars de loin parce que le personnage au départ arrive avec toute son innocence et son émerveillement et, au fur et à mesure, on lui met des barreaux aux fenêtres. C'est tragique, son histoire, mais au final, je m'en sors bien et je gagne.[1] Religieux qui s'occupe du service domestique.
- Glossary
Les émotions : étonner ; ressentir ; percevoir ; faire rire ; rire jaune ; l'angoisse ; une crise d'angoisse ; un émerveillement.
Le théâtre : entretenir le suspense ; la dramaturgie ; une scène ; une outrance ; comique ; un drame ; tragique.
La légèreté : un badinage ; libertin/libertine ; prendre du bon temps.
La domination : un devoir ; la dépendance ; la toute-puissance ; suprême ; subalterne ; soumis/soumise ; gouverner ; l'obéissance ; un chef/une cheffe ; conduire ; un valet ; un maître ; un supérieur/une supérieure ; la docilité ; l'humilité ; le respect ; un seigneur.