Extrait de l'émission Grand reportage du 09/10/2017

Frédéric Faux :
La capture du Che est un moment crucial, car là commence le mythe. Pour les guévaristes, le Che a eu un comportement exemplaire, courageux. Seule la perte de son chargeur l’aurait empêché de se suicider. Les militaires boliviens font entendre un autre son de cloches.

Le général Gary Prado Salmon est l’homme qui a capturé le Che et le dernier officier, ayant participé aux opérations, à être encore en vie. Nous l’avons rencontré dans la ville voisine de Santa Cruz.

Gary Prado Salmon [avec traduction] :
Le Che, à cette époque, n’était pas le mythe qu’il est aujourd’hui. Les journalistes, surtout les plus jeunes, me demandent toujours : « Qu’est-ce que vous avez ressenti quand vous vous êtes retrouvé face au Che ? »

La vérité, c’est qu’il m’a fait de la peine. Vous connaissez cette photo où on voit le Che tout égratigné, sale, avec son fusil à la main ? Son fusil était cassé, il avait été touché par une rafale. Cette rafale avait traversé son béret, avait cassé son fusil, avait touché sa jambe. Il l’avait échappé belle.

Il était là, avec à la main une casserole qui contenait six œufs.

« Je suis le Che », il m’a dit, très humble. « Je vaux plus vivant que mort. »

Je l’ai emmené à mon poste de commandement et il m’a dit : « Ça ne vous paraît pas cruel d’attacher un homme blessé ? »

Je lui ai libéré les mains et il m’a demandé s’il pouvait fumer. J’avais peur qu’il s’empoisonne comme Himmler, alors je lui ai donné une de mes cigarettes, mais elles étaient trop douces pour lui. Après il a voulu boire dans sa gourde mais je lui ai donné la mienne. J’avais lu beaucoup d’histoires sur des personnages qui, après leur capture, se sont suicidés. Il était capable de faire pareil et ma responsabilité était de le livrer vivant.

J’avais alerté mes supérieurs par radio que j’avais le Che, mais ils ne m’ont pas cru. « Nous embête pas, c’est dimanche ! » « Mais c’est la vérité », j’ai dit au major. « Il correspond à l’identification : les sourcils proéminents, une cicatrice sur la main droite. »

Il était vraiment très déprimé au début, et alors j’ai dit au Che : « Il va falloir marcher maintenant. »

[Bruits de pas]