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Extrait de 7 milliards de voisins du 10 mars 2017
Charlie Dupiot :
Bonjour, bienvenue, 7 milliards de voisins.Aujourd'hui, sujet éducation comme chaque vendredi, nous parlons de l'instruction en famille, quand des parents refusent d'inscrire leurs enfants à l'école classique accusée d'ennuyer, d'angoisser voire d'exclure. En France, ils seraient 25 000 enfants de 6 à 16 ans à ne pas aller à l'école et à être instruits à domicile par leurs parents. Une éducation hors système mais parfaitement légale puisque c'est l'instruction qui est obligatoire et non pas l'école. Ce phénomène de déscolarisation existe et est reconnu dans des pays anglo-saxons comme le Canada, les États-Unis, la Grande-Bretagne mais en France, il fait l'objet de soupçons, de critiques et de fantasmes. Pourtant il semblerait faire de plus en plus d'adeptes. Alors faut-il défendre le droit d'apprendre librement en dehors de murs de l'école ? Si oui, comment et quel rôle, quelle responsabilité pour les parents qui s'engagent dans cette voie et puis bien sûr quel impact pour l'enfant ?
Mais tout de suite reportage Lila, Loline et Oriane ont 12, 15 et 17 ans et les 3 sœurs n'ont jamais été à l'école de leur vie. Leur apprentissage s'est toujours fait à la carte comme l'ont décidé leurs parents. Cette semaine, mardi dernier avec tout un groupe de jeunes qui, comme elles, ne vont pas à l'école, elles se sont rendues au Palais de la découverte à Paris pour assister à un atelier de chimie. Elles étaient accompagnées par leurs parents Frédéric et Claudia.
Alice Milot a suivi la petite famille, micro à la main.
L’une des sœurs (Oriane) :
Donc on est au Palais de la découverte, mes deux sœurs ont fait un atelier et moi j'en ai fait qu'un seul donc il y avait une intervenante du Palais qui nous a fait un exposé sur les couleurs.Alice Milot :
Toutes les trois, aucune de vous trois ne va à l'école, alors ?L’une des sœurs :
Ouais, c'est ça. On a le lundi on fait du cirque, après le mardi de temps en temps donc on vient au Palais de la découverte ou à la Cité des sciences. Après il y a... on a aussi des cours d'anglais avec une amie américaine qui vient chez nous, on fait du bricolage, du théâtre, de la danse, donc on a plein d'activités comme ça.Alice Milot :
Et alors est-ce que vous pouvez m'expliquer comment ça se fait que vous n'alliez pas à l'école.L’une des sœurs :
C'est nos parents qui ont décidé donc.Alice Milot :
Papa, maman ? Le papa ?Le père :
C'est moi qui étais à l'origine de l'idée. C'était à la naissance d'Oriane donc il y a 17 ans, l'idée de l'école est apparue dans ma tête et je me suis dit ben un jour je vais lui dire : « Ma chère fille, demain tu vas aller à l'école ». Et je dois lui expliquer pourquoi elle y va et donc il faut que j’aie de bons arguments mais je n'en ai pas trouvé en fait. En regardant mon propre parcours, j'ai fait beaucoup d'études mais mon activité quotidienne tous les jours : l'école ne m'a servi à rien, strictement rien ; et donc si c'était à refaire pour moi, je n'y serais pas allé. Du coup, pour mes enfants, je me suis dit ben je vais leur offrir ce potentiel de temps à leur disposition qu'elles puissent faire ce qu'elles veulent de leur temps.Alice Milot :
Et donc vous en avez parlé à votre chère et tendre qui est ici et madame vous étiez d'accord ?La mère :
Non, moi j'étais pas d'accord, j'ai mis trois ans à être d'accord au moins trois ans. Pour moi, c’était évident que les enfants apprennent en dehors de l'école. Moi-même, j'avais été prof d'histoire-géo et je voyais très bien que deux ou trois mois après un contrôle, où les élèves avaient eu des bonnes notes, ils ne se souvenaient plus de ce qu'ils avaient appris et qu’ils étaient censés savoir donc de ce point de vue-là, au point de vue de l'apprentissage, il n'y a pas eu besoin de me convaincre. En revanche, je me disais que les enfants allaient être seuls.Alice Milot :
Donc suite à ça vous avez constitué des groupes avec d'autres enfants qui ne vont pas à l'école et ça permettait de résoudre ce problème de sociabilité ?La mère :
Exactement, oui. On a commencé avec 25 personnes à qui j'ai envoyé le tout premier message il y a 12 ans. Là, il y a 1050 familles qui entrent sur le site de la vie qui est à www.lecoledelavie.org et c'est un réseau, en fait, de familles qui organisent des choses ensemble pour se rencontrer.Alice Milot :
Et toi, ça t'a jamais rendue curieuse, t'as jamais eu envie d’aller voir ce qui se passait du côté de l'école ?Une autre des sœurs (Loline) :
Ah non, pas du tout.Alice Milot :
Et pourquoi ?Une autre des sœurs (Loline) :
Ben, avant je faisais un cours de magie et j'étais avec que des enfants qui allaient à l'école et c'était souvent que de la moquerie quand quelqu'un genre ne savait pas faire quelque chose ou alors... ça donnait pas envie d'être à leur place.Alice Milot :
Mais cette manière de travailler « à la carte », est-ce que ça permet quand même d'avoir les fondamentaux en termes de mathématiques, d'apprentissage de l'orthographe et de la grammaire, par exemple.La mère :
C'est quelque chose qui se transmet quand elles nous envoient un sms ou un mail alors je ne corrige pas tout mais le s qui se met après le tu, en conjugaison c'est quelque chose qu'on a vu parce que c'était pas spontané. Il y a probablement des enfants qui l'apprennent en lisant beaucoup. Là chez nous c'était plutôt en en parlant suite aux écrits qu'elles faisaient.Le père :
Simplement, ce ne sont pas des exercices imposés. On ne demande pas d'apprendre la table de multiplication de 7, voilà.Alice Milot :
Mais, elles la connaissent ?Le père :
La table, non. Mais, si la multiplication de deux nombres les intéresse, elles vont l'absorber.Alice Milot :
Parce que ça leur est utile.Le père :
Parce que ça leur est utile, bien sûr, oui, oui, oui, oui.Alice Milot :
Tu penses qu'en termes de connaissances, tu vas arriver à l'âge adulte en sachant autant de choses que quelqu'un qui a été à l'école ?La troisième des sœurs (Lila) :
Je ne vais connaître les trucs qui sont inutiles genre je sais pas mais les détails qu'on doit apprendre comme ça, à retenir, mais je pense.La mère :
Ce que je trouve de différent c'est que éventuellement elles auront des lacunes, comme tout le monde, mais elles auront la confiance en elles de se dire qu'elles peuvent les combler, qu'elles vont savoir où trouver l'information pour les combler et ça c'est énorme la confiance en soi-même pour trouver les informations qu'on cherche et savoir quelles sont les informations dont on a besoin.