
Serbie: « l’art dégénéré » dans le viseur du gouvernement Vučić et de l’extrême droite
De notre correspondant dans la région des Balkans,
Le 13 octobre 2020, une quinzaine d'hommes encagoulés ont fait irruption dans une galerie de Zemun, une banlieue de la capitale Belgrade, pour déchirer des dessins exposés dans le cadre du festival indépendant de bandes dessinées Novo Doba. Les jours précédents, les organisateurs avaient reçu des menaces de mort.
Au lieu de condamner cette attaque contre la liberté d'expression, le ministère serbe de la Culture a jugé qu’exposer « un contenu immoral provoque à juste titre des réactions négatives du public ».
Polémique autour d’un collage contre la violence des années 1990
Une œuvre en particulier a suscité la polémique : un collage représentant un bébé le crâne fracassé par une machette et qui entendait dénoncer la violence de la décennie guerrière des années 1990.
Aux yeux du ministère, ce collage « horrible » relèverait des « égouts de l’esprit humain » et représenterait « une pathologie, ainsi qu’une déviance de la conscience ». Selon les autorités, les artistes feraient mieux de faire des recherches sur le « génocide » qui aurait été commis contre le peuple serbe au XXe siècle en Bosnie Herzégovine, en Croatie et au Kosovo.
La réaction de la scène culturelle ne s'est pas fait attendre. Les associations d'artistes serbes ont unanimement dénoncé un communiqué « honteux » relativisant l'attaque contre la galerie d'art. Les artistes s'indignent aussi d'un pouvoir qui tente d'étouffer les derniers espaces culturels indépendants du pays. Après les pressions systématiques que subissent les journalistes indépendants, ce sont désormais les artistes qui sont dans la ligne de mire du régime.
Un festival pour la paix albano-serbe s’attire les foudres des nationalistes
Quelques jours plus tard, plusieurs groupuscules d'extrême droite ont appelé au rassemblement le 22 octobre contre le festival de théâtre « Mirëdita, Dobar Dan » - soit « bonjour » en albanais et en serbe. Depuis plusieurs années, ce festival rassemble, dans une démarche de réconciliation, des acteurs du Kosovo et de Serbie.
Mais cette fois-ci la police anti-émeute a interdit l'entrée de la salle où se déroulaient les représentations, sous le prétexte de protéger les artistes des manifestants qui dénonçaient un festival « anti-serbe ».
Deux décennies ans après la fin de la guerre et alors que se poursuivent des négociations difficiles entre Belgrade et Pristina, la question du Kosovo est toujours utilisée par le régime pour mobiliser les gros bras de l'extrême droite et toujours mieux assurer son contrôle sur la société.
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النشر بتاريخ 16/12/2020 - التعديل بتاريخ 16/12/2020