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7 milliards de voisins du 21 décembre 2016
Charlie Dupiot :
Bonjour, bienvenue, 7 milliards de voisins.Ils sont souvent pointés du doigt quand on évoque les inégalités hommes-femmes. Ils se cachent dans les rayons des magasins, souvent bleus pour les garçons, ou roses pour les filles. À quelques jours de Noël, nous parlons des jouets pour enfants.
Les filles sont-elles condamnées à la poupée et à la dinette ? Les garçons à l’épée de chevalier et aux petites voitures ? Bref, les jouets sont-ils sexistes, porteurs de stéréotypes, qui influenceraient les choix professionnels d’enfants devenus grands ? Chaque année en tout cas, les catalogues de Noël, parfois très clichés, irritent les associations féministes.
Alors, quel impact ont ces jouets sur le développement de l’enfant, que ce soient des petites filles ou des garçons ? Sont-ils les seuls à blâmer et faut-il des jouets neutres : ni roses, ni bleus ?
Nos invités pour en parler : Mona Zegai, sociologue, professeure à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, bonjour.
Mona Zegai :
Bonjour.Charlie Dupiot :
Vous avez mené plusieurs études sur les jouets en lien avec cette question du genre.COUPE [01’10 à 3’10]
Mona Zegai, à quoi voit-on que les jouets vendus aujourd’hui sont en grande partie sexués, donc c’est-à-dire, pour filles d’un côté ou pour garçons de l’autre ?
Mona Zegai :
C’est le marketing qui la plupart du temps sexue les jouets.Donc, par exemple, on trouve certains jouets comme les Barbies, comme les Monster high, dans les pages qui sont intitulées « filles » dans les catalogues de jouets ou dans les magasins de jouets, dans les rayons intitulés « filles » ; et d’autres jouets, les jouets guerriers par exemple, dans les pages et dans les rubriques qui sont intitulées « garçons ».
Ensuite, il y a des couleurs, la couleur rose par exemple, qui est omniprésente pour les filles ; et puis différentes couleurs pour les garçons, on parle souvent du bleu, mais il y a aussi du noir, du vert, du orange, du rouge. Donc, il y a les couleurs.
Il y a les photographies aussi des enfants, sur les boîtes de jouets notamment et dans les catalogues de jouets : les photographies de petites filles pour certains jouets et de petits garçons pour d’autres jouets.
Et puis, les argumentaires de vente aussi, dans les catalogues de jouets et sur les boîtes de jouets, qui indiquent aussi à qui ça correspond.
Charlie Dupiot :
Alors, dans les années 70-80 – et d’ailleurs, c’est assez étonnant –, les catalogues en fait étaient beaucoup moins marqués de ce point de vue-là, du point de vue du genre.Mona Zegai :
Oui, le marketing était moins développé aussi, donc, effectivement les catalogues de jouets se distribuaient à moins d’exemplaires ; donc, c’était pas la même époque, la même configuration.Donc, les catalogues de jouets souvent étaient organisés par types de jouets : des voitures par exemple, des poupées et moins souvent par sexe garçons-filles.
Charlie Dupiot :
Et dans un catalogue Leclerc de 88, on voit d’ailleurs une fille et un garçon en plein ménage tous les deux, avec des faux tabliers, un faux aspirateur. Pourquoi est-ce qu’on est revenus en arrière comme ça ? Vous parlez de marketing, qu’est-ce que ça veut dire exactement ?Mona Zegai :
En plus, dans cette image-là, on voit le garçon et la fille en train de faire le ménage ensemble et il y a marqué : « Tout faire à deux, c’est encore mieux ». Donc, il y a vraiment une idée, voilà, de jouer à deux, c’est amusant de jouer à deux.Charlie Dupiot :
Y compris des jouets liés au ménage.Mona Zegai :
Oui, y compris des jouets liés au ménage, ce qui ça est assez rare, c’est une exception quand même ce catalogue-là. Mais effectivement, il remet en question les stéréotypes sexués.Donc, pourquoi est-ce qu’on est revenus en arrière par rapport à ça ? Parce que le marketing s’est développé et parce que c’est vendeur aussi, certainement, de créer des gammes spécialement pour les garçons et des gammes spécialement pour les filles. Parce que quand vous achetez un vélo rose par exemple à votre petite fille, c’est difficile ensuite de le transmettre au fils qui vient après.
COUPE [05’26 à 6’26]
Charlie Dupiot :
Et quels problèmes ça pose en fait cette sexualisation des jouets, Mona Zegai, selon vous.Mona Zegai :
Les enfants sont orientés vers des univers différenciés et du coup ça borne aussi leur champ des possibles.Les filles, elles, sont orientées vers tout ce qui est lié au maquillage, à la beauté, à l’esthétique, au travail domestique, au fait de s’occuper de la maison, au fait de s’occuper des enfants, aux fées, aux princesses, donc on revient sur l’esthétique.
Et puis, les garçons sont plus orientés vers des jouets plus guerriers, liés à l’aventure et cætera. Donc ça oriente pas les garçons et les filles vers les mêmes univers.
Alors, il ne s’agit pas d’interdire à une petite fille de jouer à la poupée, ni d’obliger un garçon à jouer à la poupée, mais d’ouvrir le champ des possibles de manière à ce que les enfants aient le droit de jouer à tous les jouets et pas uniquement à certaines gammes de jouets.
Charlie Dupiot :
On pense que ça a des conséquences en fait sur les choix de carrière, plus tard, beaucoup plus tard, pour ces enfants-là ?Mona Zegai :
Il y a des enquêtes effectivement qui montrent que ça a des conséquences sur les choix déjà scolaires et ensuite les choix de carrière et que ça borne le champ des possible, en particulier des filles.Alors moi, je n’ai pas spécialement travaillé là-dessus ; mais effectivement, il y a des enquêtes qui montrent ça, puisque les petites filles par exemple sont pas socialisées au repérage dans l’espace, par exemple, au fait de s’intéresser à la mécanique et cætera ; plein de domaines finalement qui sont exclusivement masculinisés dans les jouets et qui les invitent pas à s’y intéresser. Et finalement à trouver que ça peut être drôle et amusant d’y jouer et donc d’en faire dans la vie plus tard.
Durée du document sonore : 4’40